Pionniers de l'aviation depuis 78 ans

23 mai 1923 - 07 novembre 2001

Chapitre 2 English version click on the flag

 

Une “première” vers Léo

Le 12 février 1925, les prévisions de l’Institut météorologique d’Uccle étant favorables, le “Princesse Marie-José” décolla de Haren avec ses trois membres d’équipage et ses réservoirs à leur pleine capacité de 1500 litres. Malgré son poids total de 6,5 tonnes, le biplan trimoteur gagna assez vite son altitude de croisière à environ mille mètres. Après divers retards cumulés, suite à une tempête de neige à Dijon, à la force du mistral dans la vallée du Rhône et à une perte d’huile à Alicante, le biplan se posa à Oran avec quatre jours de retard par rapport à l’horaire initial.

Edmond Thieffry ne voulant pas perdre plus de temps, décida d’entamer le lendemain la première étape de 600 km au-dessus du désert. Tout se passa bien, l’avion se posant en sécurité à Colomb-Béchar, en présence d’un comité d’accueil français. Après une inspection qui se prolongea durant deux jours, le “Princesse Marie-José” redécolla vers Gao. Ce fut le début de la poisse. Suite à une tempête de sable ayant dérouté l’avion, le pilote dut poser son appareil afin de ne pas épuiser les dernières gouttes de carburant. L’avion fut découvert, le lendemain, par deux bédouins qui, de la selle de leur chameau, indiquèrent aux naufragés la direction à suivre pour atteindre le poste de Oualen, situé à peine à une dizaine de minutes de vol de leur point d’atterrissage de fortune. En quittant Gao trois jours plus tard, l’avion qui était censé prendre la direction de Niamey se retrouva à Tilabery où un fonctionnaire français se proposa de monter à bord, afin d’indiquer le chemin.

Au Niger, la durée de l’escale se prolongea durant cinq jours pour des vérifications techniques. L’avion était à peine en vol que son pilote, Léopold Roger, fut obligé de se poser à cause de vibrations anormales. On parvint une fois de plus à réparer l’avarie pour gagner Zinder, non sans avoir dû faire appel à l’aide du sultan local pour dégager la piste. Mais l’équipage n’était pas encore au bout de ses peines. Une hélice ayant été endommagée, il fallut cinq jours pour la réparer d’une manière très provisoire. Nouvelle immobilisation de cinq jours pour se procurer alors une nouvelle hélice à Fort Lamy. Après une escale à Fort Archambault, le “Princesse Marie-José” arriva à Banghi où il fallut à nouveau s’armer de patience durant dix-huit jours, en attente de l’arrivée de Léopoldville, d’une hélice d’origine acheminée par bateau, avec la cargaison des cinq autres biplans et leurs pièces de rechanges, destinés aux premières lignes du Congo. Edmond Thieffry et ses co-équipiers arrivèrent finalement à Léopoldville le 3 avril 1925, au terme de 51 jours de voyage Quel­que 8.124 km avaient été parcourus en 75 heures et 25 minutes de vol effectif.

Le 30 avril 1925 Edmond Thieffry et Jef De Bruycker débarquaient du bateau à Anvers, Léopold Roger restant en Afrique comme prévu. A leur arrivée à la gare du Nord à Bruxelles, les deux aviateurs furent acclamés comme des héros par la population, le bourgmestre Adolphe Max étant venu en personne pour les accueillir. Mission accomplie en dépit de tous les obstacles La preuve était faite qu’on pouvait relier Bruxelles à Léopoldville, mais qu’il était trop tôt pour envisager des vols réguliers.

Le début en Afrique

Lorsque Edmond Thieffry arriva à Léopoldville à bord du “Princesse Marie-José”, les cinq autres Handley Page se trouvaient déjà à pied d’oeuvre, depuis quelques semaines, pour leur insertion dans le futur réseau congolais. Le 23 avril 1925, c’est-à-dire vingt jours après l’arrivée de Edmond Thieffry, la première liaison régulière fut inaugurée entre Léopoldville et Luebo, sur une distance de 850 km.

Pour les six premiers mois d’exploitation, le bilan s’établissait comme suit: 221 passagers, 21.725 kg de courrier et 1.666 kg de marchandises transportés. C’était déjà un beau résultat. Le 9 février 1926, un deuxième tronçon était ouvert au trafic entre Luebo et N’Gule. On pouvait songer à ce moment à la relation avec le Katanga qui devint réalité, le 20 mai1927, avec l’ouverture de la troisième section entre N’Gule et le point terminal d’Elisabethville se trouvant à 2.275 km de Léopoldville.

Le 14décembre, la Sabena créa une liaison secondaire Luebo-Tshikapa pour desservir la Société Forminière. Le déroulement du programme d’expansion alla se poursuivre rapidement avec l’ouverture d’une ligne Luebo­Lusambo, le 14 avril 1928, rendant dès lors possible le trafic entre le Kasai et Sankuru. Un mois plus tard, le 20 mai, le réseau se ramifia vers le nord, avec la ligne Léopoldville-Coquilhatville couvrant une distance de 735 km et donnant correspondance vers Bandundu et Inongo près du lac Léopold Il.

Visite royale

Fn 1928, la Sabena fut honorée par la visite au Congo du roi Albert et de la reine Elisabeth. Le couple royal voyagea entre le 5 juin, date de son départ d’Anvers, et le 31 août, date de son retour à Bruxelles, soit un parcours total de 26.000 km. Sur les routes africaines de la Sabena, il additionna plus de 2.500 km, au cours de plusieurs étapes à bord d’un Handley Page W8F. Dans les escales du réseau, il y eut diverses réceptions offertes par le major Tony Orta, directeur de la Sabena en Afrique.

Fn 1929, la compagnie disposait en Afrique de huit Handley Page, pouvant transporter chacun dix passagers ou une tonne de fret. S’ajoutaient à cette flotte respectable, trois monomoteurs De Havilland DH-50 susceptibles d’emporter quatre passagers ou 350 kg de marchandises. Durant la même année, la ligne Lusambo-Kabalo fut à son tour mise en service. Le 5 avril 1931, malgré la crise économique, on assistait à l’ouverture de la ligne Mbandaka-Stanleyville.

En 1924, les avions de la Sabena avaient effectué 276.191 km et transporté 1.787 passagers, ce qui donnait un taux d’occupation de 19 % seulement. En 1930, le nombre des kilomètres parcourus franchissait, pour la première fois, la barre du million avec 1.145.836 km. Le nombre des passagers atteignait 7.314 unités, soit le double de 1926, le taux d’occupation stagnant encore à 27 %. En 1932, le réseau Sabena du Congo se présentait comme suit: Boma-Léopoldville (350 km), Léopoldville-Port Francqui-Ilebo (700 km), Léopoldville-Stanleyville-Kisangani (1.710 km). Dans le courant de l’année 1935, la desserte de Port Francqui fut incorporée à la ligne Belgique-Congo en attendant d’être rétablie, l’année suivante, grâce à un nouveau service Léopoldville-Port Francqui­Luluabourg (Kananga). Il est à noter que le champ d’aviation de Port Francqui fut fermé à la veille de la guerre.

Elisabethville, 1930. Gaston Pottier, mécanicien de bord, un des pionniers, pose devant un Fokker F-VII

 

 

 

 

Approvisionnement en kérosène d'un JU-52 sur une piste d'attérissage dans la jungle congolaise.

 

 

 

 

12 février 1925 : Le "Princesse Marie-José" et les trois membres de l'équipage sont prêts à partir.

 

 

 

 

30 avril 1925: Edmond Thieffry et Jef De Bruycker, mécanicien de bord, furent acceuillis comme des héros lors de leur retour en Belgique, Léopold Roger, quant à lui, resta au Congo en tant que pilote.