Les premiers explorateurs et le cuivre du Katanga

 

Une caravane d'esclaves dans l'Afrique Centrale. (Extrait de "Last Journals", David Livingstone, tome I, page 56, édition 1886).

La première mention de l’existence de mines de cuivre au Katanga sans pourtant que ce nom
fût cité, se trouve dans un rapport, daté du 22 mars 1798, de l’explorateur portugais Dr Francesco José Maria de Lacerdas alors gouverneur des Rios de Sena (Mozambique). Ce rapport révèle qu’un trafiquant goanais s’était rendu, deux ans auparavant, chez le grand chef Cazembe, au sud du lac Moëro, qui « possède des mines de cuivre et d’or et est en guerre avec un chef dont les terres produisent du latâo (cuivre jaune)». Quelques années plus tard, en 1806, deux métis portugais venant de l’ouest et se rendant chez Cazembe, traversent le Katanga. « Des pierres vertes, rapportent-ils, sont trouvées dans la terre appelée Catanga » (...) « . . .nous avons vu, au sommet des collines, des pierres qui paraissaient vertes et d’où on extrait le cuivre; au milieu de cette contrée, c’est là qu’on fabrique les barres ‘. »

En 1858, deux hommes extraordinaires — Richard Francis Burton et John Hanning Speke partis de la côte de l’océan Indien, découvrent le lac Tanganika. Eux aussi entendent parler du cuivre de Katata ou Katanga, situé au nord-ouest, «à quinze jours de marche d’Ousenda, capitale bien connue du grand Cazembe ». Speke est le premier Européen qui ait traversé le lac Tanganika. Au mois de mai 1858, il séjourne chez un trafiquant arabe nommé Hamed-Ben-Soulayyam, dont l’entrepôt d’ivoire et d’esclaves est établi dans une petite île près de notre Albert­ville actuel. Le capitaine britannique aurait ardemment désiré accompagner Hamed dans un voyage vers le pays de Cazembe « Cela m’aurait aussi donné le moyen, écrit-il, d’avoir une parfaite connaissance des mines de cuivre de Katata (Katanga)». Mais son compagnon Burton l’attendait impatiemment à Ujiji...

Lorsque le vieux docteur David Livingstone, le maître de tous les explorateurs..., meurt, à bout de forces, dans les marais qui prolongent, vers le sud, le lac Bangwelo, ses derniers mots ont été : "A combien de jours sommes-nous du Luapula ?" Car son ultime effort s'était tendu vers ce Katanga où il n'avait jamais pu pénétrer, vers ce Katanga dont il avait tant attendu parler au cours de ses longues et magnifiques explorations.

Combien de caravanes d'esclaves, encadrées par des farouches Arabes ou métis d'Arabes, n'avait-il pas rencontrées venant de ce fameux Katanga ! Combien de malheureux pliant sous la charge de la malachite ou des lingots, s'écroulant sur le sol et que redressaient les sanglants coups de fouet ! Et combien de cadavres de femmes et d'enfants, d'hommes décharnés, abandonnés le long de ces pistes de l'ivoire et du cuivre, le long de ces pistes jalonnées d'ossements et comme pétries d'indicibles souffrances humaines !

Déjà en 1854, lorsqu'il se trouvait près du lac Dilolo, venant du Zambèze et se dirigeant vers Loanda, le grand docteur avait vu de ces pièces de cuivre "ayant la forme d'une croix de Saint-André et qu'on offre quelquefois en paiement".

En 1859, près du lac Nyassa qu'il venait de découvrir, il avait les caravanes arriver "du pays de Cazembe et de celui du Katanga...", longues et pitoyables files d'esclaves portant des ornements de cuivre, de l'ivoire et de la malachite.

Dans la même région, en 1861, il avait rencontré une caravane transportant vers la côte orientale de l'ivoire, de la malachite et es anneaux de cuivre. "D'après ce qu'ils nous ont dit, écrit le célèbre explorateur, la malachite dont ils étaient chargés avait été prise au versant d'une montagne où il existe une veine importante et qui est situé près du village de Katanga." Et, en 1867, le Dr. Livingstone écrivait de Cazembe à Lord Clarendon, alors en charge au foreign Office : " A peu près à un mois de marche d'ici, vers l'ouest, les indigènes du Katanga obtiennent, par fusion du minerai de cuivre (malachite), de grands lingots qui ont la forme de la lettre majuscule I. Dans toute la région, on en voit d’un poids variant de cinquante à cent livres, et les indigènes les étirent pour fabriquer des anneaux portés aux bras ou aux chevilles. On trouve aussi de l’or au Katanga, et des échantillons en ont été offerts au Sultan de Zanzibar. »

Mais, lorsqu’en 1873, le vieux Baba Daud — comme l’appellent les indigènes — n’en plus qu’à quelques jours du Luapula, frontière du Katanga, lorsque, exténué, usé, malade, il se traîne dans les marais, à travers un pays véritablement noyé sous les pluies diluviennes, il trouve, au rendez-vous que le destin a fixé àChitambo, la Mort qui l’attend...

En 1874, le lieutenant de la Royal Navy, Verney Lovett Cameron, poursuivant son audacieuse traversée de l’Afrique centrale, d’est en ouest, utilise comme monnaie d’échange, dès la rive occidentale du lac Tanganika, des lingots «de deux à trois livres, ayant la forme d’une croix de Saint-André, croix dont les bras ont de quinze à seize pouces de long sur deux de large et un demi-pouce d’épaisseur». Plus tard, lorsqu’il se trouve près des sources du Lomami, l’explorateur britannique voit échanger contre des esclaves une grande quantité de cuivre provenant de mines situées à une cinquantaine de milles au sud. « Ce métal, écrit-il, arrivait sous forme de bannda » (croix de Saint-André). Et il en conclut que «le cuivre se trouve en quantité considérable au Katanga et jusqu’à une grande distance au couchant de cette province ».

Tout cela devait inciter les Européens à tenter l’exploration de ce fameux Katanga, et ce d’autant plus que certains affirmaient que cette mystérieuse région recélait également de fabuleùx gisements d’or...

Extrait du livre UMHK 1906 - 1956